04 10 2014 - AG Légion d'Honneur - Section Dordogne

Mis à jour le 12/01/2015
Seul le prononcé fait foi.

Je suis heureux de vous accueillir à la préfecture de la Dordogne à l’occasion de la tenue de votre assemblée générale.

Mes premières paroles s’adressent naturellement au Général GAUDY qui préside votre section depuis bientôt deux ans.

Je tiens à vous remercier, Monsieur le Président, de me donner l’opportunité et le plaisir de partager ce moment amical de rencontre avec l’illustre famille périgourdine des Légionnaires.

Mesdames et Messieurs, votre assemblée générale permet au représentant de l’État dans le département d’exprimer sa considération envers l’une des institutions les plus célèbres dans le monde et l’une des distinctions les plus recherchées.

C’est avec une grande satisfaction que je constate combien votre famille grandit et mûrit.

Avec la parution des derniers décrets, ce sont ainsi neuf nouvelles personnalités qui ont été nommées Chevalier de la Légion d’Honneur, trois qui ont été promues au grade d’Officier et une au grade de Commandeur.

Et moi-même, Chevalier depuis le 1er janvier 2014, c’est avec un immense honneur et beaucoup d’humilité que je viens rejoindre votre rang et faire partie de votre famille.

Les Légionnaires ont toutes et tous des parcours très différents : les uns sont ou ont été militaires, d’autres sont anciens combattants et résistants, certains sont cadres de la fonction publique, d’autres élus, d’autres enfin universitaires. D’autres sont recteur, évêque ou bien consul honoraire. Certains sont en activité ou retraités.

Mais au-delà de leur diversité, les légionnaires incarnent tous les mêmes idéaux, les mêmes valeurs, des valeurs auxquelles je crois profondément : la solidarité, l’honneur bien sûr, le courage, l’audace, le désir de faire bouger les choses, de bousculer les conformismes et, par-dessus tout, l’engagement.

Vous avez en effet tous servi la France au travers d’un engagement associatif ou spirituel et la Nation toute entière vous en est reconnaissante aujourd’hui.

Vous êtes des femmes et des hommes qui n’avez jamais renoncé à vos idéaux, à vos rêves ; des femmes et des hommes qui croyez en la force de la volonté, en la capacité de chacun à construire, à son échelle, quelle que soit sa place, une France plus belle et un monde plus juste.

En cela, vous avez toujours été fidèles à vous-même. Et c’est le plus important dans la vie d’un homme ou d’une femme, à fortiori quand il ou elle est Légionnaire : être fidèle à soi-même, ne jamais renoncer, ne jamais abdiquer, toujours avoir le sens de l’honneur.

Mesdames et Messieurs, être distingué de la Légion d’Honneur doit nous amener à s’interroger sur cette valeur qu’est l’honneur. Quand nous lisons sur les drapeaux la devise « Honneur et Patrie », inscrite aussi au revers des croix de la Légion d’Honneur, cela doit encore nous amener à s’interroger sur cette valeur qu’est l’honneur.

On doit le faire, car aujourd’hui on a tendance à dire ou entendre que le sens de l’honneur est en voie de disparition, sans parler de celui de patrie.

Les Légionnaires doivent les premiers s’interroger sur cette valeur qu’est l’honneur, car la Légion d’Honneur est un ordre de chevalerie, héritier des ordres de l’Ancien Régime, Saint-Esprit, Saint-Louis en France, Toison d’Or, Jarretière, Ordre du Christ à l’étranger, et précurseur des ordres innombrables qui ont été créés au 19ème et 20ème siècles par les pays indépendants.

Mais rares sont ceux qui se réfèrent à l’honneur.

- A mon sens, l’honneur est d’abord un effort, c’est-à-dire une force, une puissance, ce qui lie la notion de façon inéluctable à l’action.

Comme le disait Boileau, il s’agit d’une « île escarpée et sans bord ». Il rajoutait : « on n’y peut plus rentrer dès qu’on est dehors ».

- En second lieu, l’honneur est une valeur collective, puisqu’il dépend de l’estime que l’on a de vous. Les actes d’honneur n’existent que reconnus comme tels par un groupe de gens partageant des valeurs communes. Tel est le cas, en principe, de la Légion d’Honneur.

- Enfin, l’honneur est en même temps un sentiment individuel, subjectif, qu’exprimait Blaise de Montluc dans la formule célèbre de ses commentaires de l’époque : « Nos vies et nos biens sont à nos rois. L’âme est à Dieu et l’honneur à nous. Car sur mon honneur mon roi ne peut rien ».

Je crois vraiment que le sens de l’honneur permet de s’arracher au monde et de s’élever au-dessus des contingences de la vie.

Parce qu’il est puissance d’action et refus de ce qui est bas et vulgaire, parce qu’il est avant tout un souci de soi et de l’image idéale qu’on en a, parce qu’il est impérieux dans ses commandements, le sens de l’honneur doit guider notre engagement au service de la République et de la France.

Au-delà de cette nécessaire réflexion, l’histoire de la Légion d’Honneur nous enseigne beaucoup sur les valeurs que partagent ceux qui l’obtiennent.

Lors de sa création en 1802, le Premier Consul Bonaparte entend créer « un ordre qui soit le signe de la vertu, de l’honneur justement, de l’héroïsme, une distinction qui serve à récompenser à la fois la bravoure militaire et le mérite civil ».

Il s’agissait donc de créer un ordre qui dépasse le ségrégationnisme nobiliaire ou héréditaire, et d’établir, enfin, un ordre qui puisse être ouvert à tous, sans distinction de naissance ou de position sociale.

A ceux qui, tel le Conseiller d’État Berlier s’opposa à la création de cet ordre en prétendant que « l’Ordre proposé conduisait à l’aristocratie », Bonaparte répliqua, je cite, qu’au contraire, « la Légion d’Honneur unirait par une distinction commune des hommes déjà unis par d’honorables souvenirs » et « qu’elle effacerait les distinctions nobiliaires qui plaçaient la gloire héritée avant la gloire acquise, et les descendants des grands hommes avant les grands hommes ».

C’est ainsi que la Légion d’Honneur est devenue un ordre ouvert à tout individu qui, de par son engagement exceptionnel pour son peuple et pour son pays, fait vivre la devise « Honneur et Patrie » consacrée par Bonaparte.

Depuis sa création en 1802, ce sont donc deux grands principes intangibles qui gouvernent l’Ordre de la Légion d’Honneur.

D’abord le principe fondateur de notre société, l’égalité. L’héritage et l’origine sociale ne sauraient parler plus fort que la force de ceux qui sont guidés par la noblesse et l’humanité de l’esprit de dévouement.

Ensuite, le principe d’universalité, à savoir la vocation à récompenser à la fois des mérites militaires et des mérites civils.

C’est ce principe qui donne forme au creuset républicain dans lequel chacun peut et même doit apporter son talent au bénéfice du bien commun quelque soit le domaine : militaire, économique, social, culturel, juridique, sportif…

Le code de 1962, élaboré par le Grand Chancelier le Général Catroux, à la demande du Général de Gaulle, a réformé les modalités d’attribution de la Légion d’Honneur.

Il a rationnalisé la doctrine et les principes gouvernant l’attribution de cette décoration et fut ainsi décisif pour éviter la perte de prestige de la Légion d’Honneur.

Alors que les décorés étaient 180 000 en 1946, ce chiffre a atteint 300 000 en 1960. Aujourd’hui, ce sont moins de 100 000 personnalités qui sont décorées au titre du service éminent qu’elles ont rendu à leur pays.

Cette réforme a établi la règle selon laquelle la croix de la Légion d’Honneur récompenserait exclusivement des services éminents. Un nouvel ordre, l’Ordre National du Mérite, a été ainsi crée en 1963 pour récompenser des services distingués.

L’ordre de la Légion d’Honneur se doit donc de s’adapter aux enjeux de chaque époque tout en gardant ses principes intangibles. C’est une condition essentielle afin qu’elle puisse garder son prestige et être à la hauteur des enjeux auxquels doit faire face notre société.

L’ordre de la Légion d’Honneur est donc un ordre en mouvement. Elle continue à évoluer pour s’adapter à la réalité de notre temps. En témoignent les nouveaux jalons qui ont été posés en 2007 pour détecter des potentiels de décorés, comme :

-  la parité homme-femme, indispensable pour reconnaître pleinement le rôle que jouent les femmes dans notre histoire et notre société et qui, malgré leur engagement, ont souvent laissées de côté en matière de nomination.

Sachez que l’Empereur ne décora pas de femmes, sauf Marie Schellinck, mais il faut préciser qu’elle avait conquis le grade de Lieutenant après maintes campagnes.

L’injustice fut palu tard réparée, et l’on sait que Napoléon III décora plusieurs femmes, dont le peintre Rosa Bonheur.

Mais il fallut attendre la 5ème République pour voir un nombre convenable de femmes dans les promotions et atteindre aujourd’hui la parité.

-  le deuxième axe est la promotion du bénévolat associatif pour reconnaître le mérite de ceux dont l’engagement est souvent supérieur aux récompenses financières qui en découlent,

-  le troisième axe est enfin, l’instauration de l’initiative citoyenne, permettant à tout Français de proposer, selon des modalités strictes, une personne qu’il estime méritante et qui n’aurait pas été connue des ministères et préfectures.

L’Ordre de la Légion d’Honneur n’a ainsi jamais cessé d’être le reflet des époques qu’elle a traversé tant et si bien qu’aujourd’hui sont aussi décorés ceux qui contribuent au progrès technologique et scientifique de la France et de l’humanité, comme des chercheurs, des techniciens et même des acteurs de l’économie numérique.

Si l’histoire nous permet de comprendre le socle des valeurs sur lequel s’est construit la Légion d’Honneur, et comment cet ordre a du évoluer pour être toujours d’actualité, l’histoire nous démontre aussi que la Légion d’Honneur est restée fidèle aux principes qui ont présidé depuis deux siècles à son attribution : l’égalité, l’universalité et l’excellence.

L’élite que cet ordre représente continue à bien refléter l’évolution de notre pays. Aussi, depuis le Moyen âge, où pour la première fois les Chevaliers se rassemblèrent pour constituer une élite et faire régner la paix et l’ordre dans la société, le même but se poursuit aujourd’hui la Légion d’Honneur est la digne continuatrice de cette tradition, ainsi que les ordres qui procèdent d’elle.

La présence quotidienne de la Légion d’Honneur dans l’esprit des Français et des Françaises et l’admiration qu’elle suscite tout en restant ouverte à accueillir de nouveaux hommes et de nouvelles femmes, constitue un véritable phare républicain.

Il n’est pas anodin de constater que, face aux défis auxquels l’État français doit faire face aujourd’hui, que ce soit à l’étranger ou en France, la Légion d’Honneur constitue l’un de ces rochers républicains sur lequel viennent se briser les vagues de l’indifférence, de l’inégalité et de l’injustice.

La Légion d’Honneur est beaucoup plus qu’une décoration épinglée à sa boutonnière. Elle est un repère, un signe de reconnaissance envers ceux et celles qui se sont brillamment dévoués pour leur pays. Un guide aussi pour les nouvelles générations qui viendront nous succéder. La Légion d’Honneur nous rappelle qu’avant toute chose, c’est l’intégrité de caractère, la solidité d’esprit et la force de l’engagement des Français qui forment l’essence même de notre pays.

Mesdames et Messieurs, je vous réaffirme tout mon soutien dans l’exercice de votre responsabilité pour transmettre aux plus jeunes les notions de civisme, de solidarité et de dévouement, et aussi, pour porter inlassablement les valeurs républicaines dont notre société a tant besoin.

Mesdames et Messieurs, je souhaite ardemment que votre exemplarité confère encore et toujours à votre institution cette force qui permet d’allier à la légitime fierté de la distinction, l’humilité généreuse de la solidarité.